À Kiev, en Ukraine, les différentes interprétations de l'histoire se côtoient et se font concurrence. À chacun ses victimes et ses héros, dans un mélange parfois surréaliste. Le site de Babi Yar constitue un bel exemple de cette mémoire fragmentée. Dans ce qui était à l'arrivée des Allemands une carrière à l'écart de la ville, plus de cent mille personnes ont été abattues à bout portant. Si la majorité des victimes était juive, Babi Yar fut aussi le dernier arrêt pour partisans, Roms, civils innocents, nationalistes ukrainiens et ecclésiastiques. Et à chacun son mémorial... Et sa mémoire...
Le site de Babi Yar refait surface dans les média non pas lors des cérémonies de commémoration comme il se devrait, mais plutôt par les querelles historiques qui l’entourent. Entre déni, déformation et fragmentation, la mémoire liée a ce lieu est plus que complexe. Si l’historiographie soviétique a tu la place particulière des victimes juives et roms (tsiganes), ainsi que celle des victimes non-communistes en général, l’historiographie moderne ukrainienne se démarque par la tendance inverse. Alors que le mémorial érigé dans les années 70 commémore d’un bloc les 100 000 ‘citoyens soviétiques pacifiques’, une foule d'autres mémoriaux ont été érigé depuis la chute de l'Union Soviétique.
Lors de l'arrivée des troupes allemandes à Kiev, le centre de la ville fut piégé et dynamité. Les Juifs furent accusés par les Allemands et sommés de se rassembler avec bagages près de Babi Yar, en bordure la ville, afin d'être 'relocalisés'. Ils furent plutôt menés à l'abattoir par les troupes Allemandes ainsi que les collaborateurs locaux. Forcés de se déshabiller et menés en petits groupes vers le ravin de Babi Yar. En quelques jours, en septembre 1941, près de 30 000 Juifs furent tués par balles et ensevelis sur place. Babi Yar resta pendant toute la période de l'occupation un lieu d'exécution où les ennemis, de par leur supposée appartenance raciale ou leur idéologie, connurent une fin tragique.
Babi Yar fait maintenant partie de la ville, et il est dur de s'imaginer que tant de gens furent tués là où de nos jours se situent une station de métro et des immeubles, les gens vaquent à leurs occupations, les autos filent. La plupart des mémoriaux se situent non loin du réel lieu d'exécutions, dans un parc commémoratif. Au centre, l'imposant mémorial soviétique. Disséminés aux quatre coins, un mémorial pour les nationalistes de l'ONU (Organisation des Nationalistes Ukrainiens) qui se dressèrent contre l'occupation, une petite stèle pour les victimes juives, un monument aux travailleurs forcés déportés dans le Reich, un monument pour une poétesse-partisane et une stèle qui annonce l'érection prochaine d'un monument aux victimes roms.
L'imposant mémorial soviétique
Le mémorial aux nationalistes ukrainiens
Le mémorial dédié aux travailleurs forcés déportés en Allemagne, les "Ostarbeiter"
La modestie de la stèle commémorant les victimes juives est frappante. Le visiteur a beau chercher, il aura l'impression que c'est l'unique trace de la tragédie des Juifs de Kiev. L'absence d'indications et l'ignorance des passants rendent le second mémorial difficile à trouver. Celui se trouve en fait plus près du ravin, à environ 500 mètres du parc commémoratif. Là-bas aussi il n'y a aucune indication qui permet de trouver le chemin menant vers un chandelier à sept branches; il faut connaître, ou bien comme moi avoir la chance de tomber sur un groupe de touristes menés par un guide. Un groupe d'Israéliens est sur place et peut observer à quel point la mémoire de l'Holocauste fait encore défaut en Ukraine... À deux pas du chandelier, une croix rappelle l'exécution de quelques ecclésiastiques orthodoxes ayant appelé à la résistance contre l'occupant.
Après de longues recherches et de la chance, le visiteur trouvera finalement ceci...
Waw. c'est très intéressant.
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RépondreSupprimerOui, envoie-moi le texte si tu le trouves!
RépondreSupprimerc'est tragique en effet de voir à quel point les gens sont incapables de trouver un terrain d'entente sur le fond d'une telle tragédie commune... Malheureusement, ce genre de compétition entre victimes est encore très répandu...
J'ai écrit une note sur FB et le texte en fait partie - je t'ai taggé.
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