jeudi 20 mai 2010

Pas gai, le Bélarus...


Alors que le mouvement pour la reconnaissance des droits des homosexuels a atteint un grand nombre de ses objectifs depuis maintenant plus de quarante ans en Occident, il se heurte toujours à une grande résistance en Europe centrale et orientale. Sous le régime communiste, l’homosexualité était réprimée et depuis la chute du bloc soviétique, le conservatisme et les préjugés refont librement surface. Les activistes pour les droits des minorités sexuelles, comme on les appelle là-bas, doivent combattre non seulement le conservatisme de la société, mais aussi l’image négative que les citoyens se font de ce qu’est la ‘liberté’ d’orientation sexuelle en Occident. Samedi dernier, à Minsk, c’est avec une choquante violence que les forces spéciales ont interrompu la parade gaie.
Pour une fois, le gouvernement et une partie de l’opposition étaient d’accord : pas question de laisser les défenseurs des droits des homosexuels défiler dans la rue lors de la « Fierté Gaie Slave », tenue pour la première fois à Minsk. Alors que les organisateurs avaient envoyé une demande d’autorisation début mars, ce n’est qu’un mois plus tard, le 7 mai, que leur a été adressé le refus. Le motif? La loi bélarussienne interdit tout rassemblement à moins de 200 mètres de passages souterrains et entrées de métro depuis une tragédie lors d’un concert. Cette loi n’est pourtant qu’un fallacieux prétexte, et personne n’en doute. En effet, les organisateurs avaient pris soin de planifier leur manifestation exactement là où plusieurs autres manifestations avaient déjà été autorisées par le passé. En dernier recours, les organisateurs avaient envoyé une lettre au président Aleksander Lukachenka. Finalement, ils annoncèrent qu’une manifestation auraient tout de même lieu, à un endroit qui serait tenu secret jusqu’au tout dernier moment...

Déjà vendredi 14 mai, lors de l’ouverture du sixième forum du mouvement, plusieurs jeunes homophobes ont tenté de perturber la réception prévue dans un hotel du centre de Minsk. Alors que samedi tout le monde était dans l’attente de la parade et de la répression qui suivrait immanquablement, la police était postée partout dans la ville. Des hommes à la mine patibulaire habillés en civils (voir photo) ainsi que les forces spéciales dans leurs fourgons étaient aux affuts. Les journalistes aussi étaient tenus dans l’incertitude par les organisateurs, jusqu’à ce qu’une moto dont le passager arborait le drapeau arc-en-ciel ne passe devant les représentants de la presse ainsi que les policiers ébahis, qui ne s’y attendaient pas du tout. Au même moment, non loin du centre, une quarantaine de militants bélarussiens et russes défilèrent pendant une dizaine de minutes avec un énorme drapeau de la fierté gaie. Ils arboraient le slogan « Aujourd’hui ils nous interdisent, demain c’est toi qu’ils interdiront. » Les OMON, forces spéciales, accoururent et se lancèrent sur les manifestants « comme des chiens sauvages », selon les dires d’un participant. Les photos confirment que l’intervention fut musclée.


Dispersés à travers la ville, des policiers en civil étaient aux aguets

La manifestation a duré à peine dix minutes et a fini avec une brutale intervention
Une dizaine de manifestants furent arrêtés et emmenés au poste. Si finalement ils furent relâchés et condamnés quelques jours plus tard à une faible amende, il n’en reste pas moins que ces événements sont très révélateurs de l’ambiance au Bélarus en ce qui concerne non seulement la liberté d’expression, mais aussi la défense des ‘minorités sexuelles’. Le pouvoir a bien démontré qu’il ne tolèrerait pas les manifestations intempestives, quelles qu’elles soient. Mais ça, ça ne surprend plus personne. Beaucoup plus intéressantes furent les réactions dans les médias et la société.

Même les comptes-rendus les plus sobres trahissaient l’opinion que la plupart des Bélarussiens se font des homosexuels. Ainsi, de nombreux sites d’informations affichaient l’image stéréotypée du travesti habillé avec perruque, frou-frou et paillettes quand ils écrivaient sur la parade. Comme par habitude, les opposants dénonçaient la parade comme faisant la propagande d’un mode de vie déviant. Ce qui est consternant, c’est le manque de solidarité de la part de l’opposition, qui fait pourtant si souvent les frais du manque de liberté au Bélarus. Cette fois, par leur silence ou leur approbation, les partis d'opposition ont fait preuve d’une très certaine hypocrisie. Certains membres des organisations clandestines de jeunesse nationalistes ont même tenté d'empêcher la tenue du concert de clôture du mois de lutte contre l’homophobie, ce lundi. Cette fois, la police est intervenue et a chassé les extrémistes...

Que ce soit en Russie, en Pologne, dans les pays baltes ou au Bélarus, ce genre de manifestations se passent rarement bien. Soit la police locale, soit des groupes homophobes s’interposent et s’en prennent aux homosexuels et autres sympathisants. En Russie, les manifestants passant outre les interdictions sont régulièrement violemment arrêtés ou bien sont livrés à la colère de groupes conservateurs, ultra-religieux ou néo-nazis sous le regard passif des forces de l’ordre. À Vilnius aussi, la semaine dernière, la parade « Fierté Gaie Balte » a été interdite avant d’etre autorisée en seconde instance. Et l’intervention de la communauté internationale a joué un role. Finalement, 300 participants ont défilé sous protection policière avec une bannière sur laquelle était écrit : „Nous marchons pour ceux qui ne peuvent pas.“ 2 000 contre-manifestants ont démontré leurs désaccords et tenter de s’en prendre violemment à la parade. Et les exemples sont nombreux dans la région. Notamment, la Fierté Gaie de Varsovie qui a lieu chaque année depuis 2001 et a été interdite en 2004 et 2005 par le maire d’alors, Lech Kaczynski. Après les violences d'extrême-droite lors de la Fierté Gaie de Budapest en 2008, 13 ambassades avaient l’année suivante décidé de publier un texte supportant la manifestation. Bref, le combat ne fait que commencer pour la véritable égalité.

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