mercredi 4 novembre 2009

« Guten Tag, ich bin das STASI-Schwein! »



(À gauche, symbole de la Stasi – à droite, symbole de Die Linke)
« Bonjour, je suis le salaud de la Stasi! » (La Stasi est la Staatssicherheit, c'est-à-dire la police secrète est-allemande.) C'est avec ces mots que le député Axel Henschke reçoit   les journalistes. Élu tout récemment au parlement du Land (province) de Brandenbourg comme candidat du parti « Die Linke » (La Gauche), Henschke ne cache pas son passé dans la dictature est-allemande. Il a passé sa vie dans le SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands) qui a régné en Allemagne de l'Est pendant près de quarante ans. Il fut notamment actif comme collaborateur de la tristement célèbre Stasi, qui possédait le plus important réseau de collaborateurs d'Europe de l'est.


Si le parti Die Linke est depuis longtemps l'objet de critiques à cause de son statut d'héritier du SED, ses récents succès électoraux ainsi que l'approche du vingtième anniversaire de la chute du mur ont relancé le débat. Dans le Land de Brandenbourg, ces discussions sont d'autant plus pertinentes que la toute nouvelle coalition au pouvoir est 'rot-rot', rouge-rouge, c'est-à-dire composée des sociaux-démocrates du SPD et de Die Linke. En effet, Matthias Platzeck, le Ministre-Président du SPD de la province a préféré la gauche à la droite (CDU), avec qui il gouvernait jusque là. Et le comble, c'est que Platzeck était, lui, un activiste dissident dans l'opposition non-officielle est-allemande!
'Trahison de 1989!', crie la droite; les plaies ne sont visiblement pas encore cicatrisée en ex-DDR (Allemagne de l'est). C'est qu'au pouvoir se retrouveront plusieurs personnes comme Axel Henschke; personnes mouillées jusqu'au cou dans le système répressif d'alors. La présidente de la fraction de Die Linke, Kerstin Kaiser, était informatrice de la Stasi, tout comme le chef du parti dans la province, Thomas Nord. Ils étaient parmi les dizaines de milliers de « IM » (inoffizieller Mitarbeiter), les collaborateurs non-officiels, qui écrivaient des rapports à leur officier de liaison sur leurs proches, leurs voisins, collègues...
'Le temps de la réconciliation est venu,' rétorque Platzeck. Selon lui, « la force (tyrannie) du passé ne fait pas du bien à la culture politique. » Même si son statut d'opposant lui confère une certaine force morale, il s'est mis les pieds dans le plat dernièrement dans un texte adressé au magazine Spiegel. Il s'est attiré les foudres de ses partisans en comparant son geste à celui posé en 1951 par le député social-démocrate Kurt Schumacher, qui avait invité deux hauts-gradés de la SS en signe d'ouverture. Certains ont vu dans cette comparaison une comparaison entre le Troisième Reich et la DDR, ce qui n'a pas plu.
Au-delà de l'événement, il ressort de tout cela que tout indique que la gauche, autant le SPD que Die Linke seront prochainement de plus en plus poussés à confronter sa propre histoire et son rapport au totalitarisme. De petit parti protestataire, Die Linke a gagné beaucoup de terrain en Allemagne, même à l'ouest. Il a cessé d'être exclusivement le parti des perdants de la chute du mur et il marche maintenant dans les plates-bandes du SPD. Cela oblige les sociaux-démocrates à considérer l'option de la coalition rouge-rouge, et donc à définir leur relation envers Die Linke et ses députés au passé compromettant.
Quant à Die Linke, elle peut se réjouir de sa lente réhabilitation. D'un côté elle conserve son statut de représentante des 'déçus' de 1989 dans les Länder de l'est, de l'autre elle gagne en popularité à l'ouest grâce à son discours revendicatif et protestataire. En Allemagne comme ailleurs dans l'espace post-communiste, les rapports envers les anciennes élites et le passé totalitaire sont plus que troubles.

2 commentaires:

  1. Les gens qui portent les insultes de leurs adversaires comme signe de fierté, c'est pas nouveau (pièce P-1: Margaret Thatcher, baptisée "dame de fer" par Krasnaya Zvezda). Mais qu'on puisse être fier de son passé à la Stasi... dégoûtant. Que la reconciliation soit importante, peut-être bien. Mais il faut tout de même admettre que c'est une chose honteuse, pas s'en engorgueillir...

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  2. Je ne sais pas s'il en est fier, mais je dirais qu'il exhibe son passé et son 'repentir' d'une façon tellement ostentatoire que ç'en est vraiment écoeurant et qu'on a du mal à le croire...
    Je vais tenter de trouver la politique officielle du parti quant à leur 'Vergangenheitsbewältigung', leur traitement du passé.

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