Les célébrations entourant les vingt ans depuis le début de la révolution de velours avaient l'avantage d'être tournées vers le présent et d'offrir de nombreuses réflexions sur les changements et leurs résultats. Contrairement à la façon pompeuse, superficielle et même puérile dont a été marquée la chute du mur de Berlin, la société tchèque profite de l'anniversaire de sa révolution pour faire le point, critiquer, débattre et construire. Peut-être que la situation qui a suivi en Tchécoslovaquie puis dans les deux républiques prête plus à réflexion, peut-être est-ce à cause de l'origine estudiantine de la révolte ou bien peut-être qu'en Allemagne, les voix dissidentes sont étouffées par la domination culturelle et économique de l'ouest? Bref, la société civile tchèque fait preuve de maturité dans son regard sur le passé et le présent, tel que l'a démontré l'organisation du cycle de conférences 'L'inventaire de la démocratie'. Pendant ces dix jours, plusieurs orateurs offrirent leurs réflexions sur l'état du système démocratique actuel vingt ans après ses premiers pas.
Du 9 au 16 novembre, défilèrent devant les intéressés sociologues, politologues, journalistes et historiens. Notons la présence de l'ancienne Secrétaire d'État américaine Madeleine Albright, d'origine tchèque, et du politologue Jacques Rupnik, qui a grandi à Prague. Des discussions sur le rôle des étudiants dans la société ont aussi eu lieu, entre autres pour s'interroger sur la passivité du mouvement étudiant et son incapacité à reprendre le flambeau de la protestation après 1989. Dans le cadre de l'événement, les étudiants ont préparé une proclamation (CZ-EN-DE) incendiaire qui vise à provoquer le débat et attirer l'attention de la société sur plusieurs enjeux qu'ils considèrent importants. Depuis le mois de février, une dizaine de rencontres-débats et de nombreuses propositions débattues en ligne ont fourni le matériel pour ce texte. Il s'agit d'une tradition du mouvement étudiant tchèque, qui avait aussi lancé son pavé dans la marre à l'occasion des autres jubilés de la révolution.
Cette année, la déclaration se divise en quatre parties: 'la réflexion sur notre passé communiste', 'l'éducation', 'le rôle de la République Tchèque dans le monde' et 'la fragile démocratie'. Dans la première, les étudiants dénoncent la manipulation du passé communiste comme une carte utilisée en politique pour calomnier un adversaire. "Nous ne devrions pas nous satisfaire des étiquettes simplistes et des scandales révlélés dans le style de 'a-t-il signé ou n'a-t-il pas signé? (ndlr une entente de collaboration avec la police secrète communiste)" Ils préfèreraient que la société s'interroge sur le véritable héritage du communisme, notamment la tendance à penser que 'quelqu'un là-haut s'occupe de tout'. La partie sur l'éducation découle bien évidemment du récent scandale à l'université de Plzeň, où des étudiants ont pu carrément acheter leur diplôme. Au-delà de la corruption du système, les étudiants expriment leur désir d'avoir de vrais professeurs engagés qui les confronteraient et développeraient intellectuellement plutôt que de faire face à de simples transmetteurs de savoir sans âme. En ce qui a trait au rôle du pays sur la scène internationale, il faut dire que les récents -et moins récents- événements ont provoqué la question. Tout d'abord la République Tchèque a fait froncer les sourcils à toute l'Europe en faisant tomber son gouvernement en pleine présidence de l'Union Européenne et puis son président, Vaclav Klaus, qui multiplie les déclarations hostiles à l'UE et les coups de gueule diplomatiques. "Voulons-nous simplement être une farce et une nuisance, ou jouer un véritable rôle?", demandent les étudiants. La dernière partie, sur la fragilité de la démocratie, est un cri alarmiste sur les conséquences que pourraient avoir la passivité et le manque d'engagement des jeunes dans la société. Le dégoût pour la politique et l'auto-enfermement dans la sphère privée afaiblissent la société civile, selon les auteurs. Ceux-ci concluent en force:
"Disons-le brièvement: notre démocratie est fragile et peu facilement être perdue. Si elle fonctionne d'une quelconque façon, ce n'est pas dirigée par une certaine main guidée de principes démocratiques historiquement inévitables. La démocratie tient grâce aux efforts concrets de personnes concrètes. Elle n'a de chances que si nous nous en saisissons, et cela d'une façon pressante, comme d'une affaire personnelle.
Sinon nous risquons de fêter son trentième anniversaire à titre posthume."
Cette année, la déclaration se divise en quatre parties: 'la réflexion sur notre passé communiste', 'l'éducation', 'le rôle de la République Tchèque dans le monde' et 'la fragile démocratie'. Dans la première, les étudiants dénoncent la manipulation du passé communiste comme une carte utilisée en politique pour calomnier un adversaire. "Nous ne devrions pas nous satisfaire des étiquettes simplistes et des scandales révlélés dans le style de 'a-t-il signé ou n'a-t-il pas signé? (ndlr une entente de collaboration avec la police secrète communiste)" Ils préfèreraient que la société s'interroge sur le véritable héritage du communisme, notamment la tendance à penser que 'quelqu'un là-haut s'occupe de tout'. La partie sur l'éducation découle bien évidemment du récent scandale à l'université de Plzeň, où des étudiants ont pu carrément acheter leur diplôme. Au-delà de la corruption du système, les étudiants expriment leur désir d'avoir de vrais professeurs engagés qui les confronteraient et développeraient intellectuellement plutôt que de faire face à de simples transmetteurs de savoir sans âme. En ce qui a trait au rôle du pays sur la scène internationale, il faut dire que les récents -et moins récents- événements ont provoqué la question. Tout d'abord la République Tchèque a fait froncer les sourcils à toute l'Europe en faisant tomber son gouvernement en pleine présidence de l'Union Européenne et puis son président, Vaclav Klaus, qui multiplie les déclarations hostiles à l'UE et les coups de gueule diplomatiques. "Voulons-nous simplement être une farce et une nuisance, ou jouer un véritable rôle?", demandent les étudiants. La dernière partie, sur la fragilité de la démocratie, est un cri alarmiste sur les conséquences que pourraient avoir la passivité et le manque d'engagement des jeunes dans la société. Le dégoût pour la politique et l'auto-enfermement dans la sphère privée afaiblissent la société civile, selon les auteurs. Ceux-ci concluent en force:
"Disons-le brièvement: notre démocratie est fragile et peu facilement être perdue. Si elle fonctionne d'une quelconque façon, ce n'est pas dirigée par une certaine main guidée de principes démocratiques historiquement inévitables. La démocratie tient grâce aux efforts concrets de personnes concrètes. Elle n'a de chances que si nous nous en saisissons, et cela d'une façon pressante, comme d'une affaire personnelle.
Sinon nous risquons de fêter son trentième anniversaire à titre posthume."
Le 14 novembre avait lieu une très exclusive soirée-concert à l'Église Sainte-Anne à Prague. Elle réunissait le gratin national ainsi que quelques figures internationales. Parmi ceux qui ont discouru, notons les interventions du président Klaus, d'Adam Michnik (Solidarność, aujourd'hui rédacteur de la Gazeta Wyborcza), d'André Glücksmann ('philosophe' français) et de l'éternel Vaclav Havel. De plus, le public a eu droit aux interventions vidéo d'Obama (qui a recyclé son discours pour la fête de la chute du mur de Berlin), Angela Merkel, Gorbatchiov, Bono, Mick Jagger, Peter Gabriel et Bob Geldorf. Au beau milieu de cette grande partie de tapes dans le dos et auto-congratulations, une place a été faite à une porte-parole du mouvement étudiant, qui a pu ainsi exprimer un point de vue discordant. "Merci pour 1989, dis la nouvelle génération, MAIS...!" , dit-elle, enchaînant ensuite sur les défauts de la jeune démocratie. Elle invita ensuite le public à la marche du 17 novembre.
Plusieurs facultés sont situées sur la rue Albertov, un peu au sud du vieux centre de Prague, et c'est de là qu'était partie la manifestation du 17 novembre 1989. Vingt ans plus tard, c'est encore une fois là que se rassemble la foule: nous allons refaire le tracé. L'heure est décidément à la critique: l'actuel président Vaclav Klaus, la classe politique, la corruption, le parti communiste encore présent, etc., tous sont visés par les pancartes et bannières arborées par les manifestants. Il ne s'agit pas seulement de célébrer, mais aussi d'être fidèle aux idéaux de cette révolution et donc de les mettre de l'avant encore et encore. Quelques discours reprenant la déclaration et l'intervention d'une jeune Tibétaine sont entrecoupés par quelques morceaux de rock et le cortège se met en marche.
En passant par les hauteurs de Vyšehrad, nous sommes descendus dans l'obscurité croissante vers la Vltava. Là où les policiers arrêtèrent la manifestation la première fois il y a vingt ans, un temps fut marqué et les sifflements hostiles fusèrent pour aussi recréer l'atmosphère. Certains sortirent leurs clés pour les agiter et les faire tinter tel que cela se faisait à l'époque. Les tintements obtenus avec clés et réveils symbolisaiten qu'il était temps que la dictature tombe et que la démocratie triomphe. Une grande pancarte avec des caricatures de forces anti-émeutes représentait la police. Arrivés au centre de la ville, la foule s'arrêta encore une fois sur la Narodní Třída, là où la foule fut encerclée par la police. Là, des haut-parleurs recréaientt, jusqu'à un certain point, l'atmosphère de l'époque, avec avertissement de la police, cris, sifflements, aboiements de chiens, etc.. L'hymne national tchécoslovaque Kde domov můj? fut diffusé, les manifestants ne le chantèrent que timidement, probablement pas comme les étudiants 20 ans plus tôt. Heureusement, on ne recréa pas le moment où la foule fut sauvagement tabassée et dispersée.
En passant par les hauteurs de Vyšehrad, nous sommes descendus dans l'obscurité croissante vers la Vltava. Là où les policiers arrêtèrent la manifestation la première fois il y a vingt ans, un temps fut marqué et les sifflements hostiles fusèrent pour aussi recréer l'atmosphère. Certains sortirent leurs clés pour les agiter et les faire tinter tel que cela se faisait à l'époque. Les tintements obtenus avec clés et réveils symbolisaiten qu'il était temps que la dictature tombe et que la démocratie triomphe. Une grande pancarte avec des caricatures de forces anti-émeutes représentait la police. Arrivés au centre de la ville, la foule s'arrêta encore une fois sur la Narodní Třída, là où la foule fut encerclée par la police. Là, des haut-parleurs recréaientt, jusqu'à un certain point, l'atmosphère de l'époque, avec avertissement de la police, cris, sifflements, aboiements de chiens, etc.. L'hymne national tchécoslovaque Kde domov můj? fut diffusé, les manifestants ne le chantèrent que timidement, probablement pas comme les étudiants 20 ans plus tôt. Heureusement, on ne recréa pas le moment où la foule fut sauvagement tabassée et dispersée.
La société tchèque caricaturée: le troupeau de moutons. Happening étudiant.
Vers 20 heures, sur la place Vaclav, lieu de tant de manifestations passées, une tribune avait été élevée pour le 'happening' des étudiants. Après quelques discours, on distribua aux 50 premières rangées des masques de moutons. Nous devions nous en couvrir le visage et des trous nous permettaient de suivre ce qui se déroulait sur scène. Quatre étudiants-acteurs, le visage couvert de masques de cochons, incarnaient la nouvelle classe dirigeante tchèque, politique et économique. Se félicitant, et nous félicitant, de la docilité de la population, ils se vantèrent de leurs succès passés et exprimèrent l'espoir de continuer à s'enrichir en toute liberté. Et nous bêlions de contentement devant ses porcs bien repus. C'est alors que la lectrice continua à narrer cette fable moderne dans laquelle il arrive le moment où finalement les moutons en eurent marre de l'hégémonie porcine et se rebellèrent. Arrachant leurs masques, les spectateurs durent donc se soulever et par leurs cris chasser les porcs. Ceux-ci, effrayés par la clameur, furent pris de panique et tournèrent en rond en poussant d'aigus couinements avant de s'enfuir. Les moutons cessèrent d'être dociles et reprirent le contrôle de leur pays. Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants (non dociles). À quand la réalisation de ce conte en République Tchèque? À suivre...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire