Depuis une dizaine de jours, une retentissante affaire de corruption secoue la Tchéquie. Les deux principaux partis y sont mêlés, ainsi que d’autres politiciens d’envergure. Selon les révélations du quotidien Mlada Fronta Dnes, plusieurs politiciens auraient reçu de l’argent de la compagnie autrichienne Steyr afin que ses blindés ‘Pandury’ soient achetés par l’armée tchèque. Et cela semblerait une pratique courante pour les appels d’offre importants. En Tchéquie, les gens parlent de ‘tunel’ pour désigner ce genre de pratiques. L'argent public disparaît discrètement depuis les institutions publiques, comme si des galeries avaient été creusées en-dessous de chaque ministère.
Deux gouvernements, autant celui des sociaux-démocrates que celui des conservateurs, sont soupçonnés d’avoir accepté des pots-de-vin de la part de lobbyistes et représentants de la compagnie Steyr-Daimler-Puch. Depuis la mise à jour du scandale, une énorme partie de ping-pong et de déni a commencé. Chacun rejette la faute sur l’autre, arguant n’avoir jamais eu connaissance du dossier, ou l’avoir délégué à un subordonné. Le journaliste du MFD, prétendant être un lobbyiste tchèque, a réussi à enregistrer les confessions des dirigeants de Steyr. Ceux-ci expliquent leurs méthodes, et disent qu’il est tout à fait habituel d’arroser les partis politiques afin de décrocher de tels contrats. Ils disent même que la situation est pire en Autriche. Depuis, les deux Autrichiens ont déclaré par communiqué qu’il ne s’agissait que d’une blague faite au journaliste pour le mettre sur la sellette, avouant candidement avoir peut-être exagéré…
Si on peut douter des blagues autrichiennes, il n'en reste pas moins que la méfiance de la population tchèque envers la classe politique est régulièrement renforcée par ces affaires tordues. Alors que les journalistes et observateurs étrangers pointent souvent du doigt l'immaturité politique et la montée de l'extrême-droite en Tchéquie comme ailleurs dans les nouveaux pays-membres de l'Union Européenne, ils oublient souvent de jeter un oeil à l'establishment politique des pays en question. Les politiciens ont leur part de responsabilité dans la désaffection populaire et l'efficacité des slogans populistes de l'extrême-droite.
En République Tchèque, comme dans d'autres pays, les premières années de démocratie ont été marquées par la venue au pouvoir d'anciens dissidents et d'autres nouveaux venus. D'autant plus que le président Vaclav Havel a réussi à faire accepter son idée de lustration qui empêchait les anciens responsables communistes de participer aux affaires publiques pour 10 ans. Mais la vieille mentalité était toujours là, et puis plusieurs anciens communistes se sont bien recyclés. Et le pouvoir politique a rapidement dégoûté la société civile émergeant depuis 1989, pour finalement aboutir entre les mains de nouveaux et anciens professionnels de la politique et de ses magouilles.
Si les 'tunnels' tels qu'entendus par les Tchèques sont monnaie courante un peu partout en Europe et ailleurs, il faut dire que les politiciens tchèques sont des taupes particulièrement zélées et le sol de Prague est vraisemblablement truffé de galerie.
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