lundi 18 janvier 2010

La Stasi conquise





Manifestation contre la Stasi

Si la chute du mur est un symbole puissant pour exprimer la fin du régime totalitaire est-allemand, et même la fin de toutes les dictatures communistes d'Europe Centrale et Orientale, elle ne représente cependant qu'un pas, aussi grand soit-il. Après le 9 novembre, même si le régime s'écroulait peu à peu, le parti d'unité socialiste (Sozialistische Einheitspartei Deutschland – SED) n'entendait pas jeter l'éponge. Aux yeux des dissidents et des masses ayant manifesté lors des Manifs du Lundi en automne 1989, les transformations se déroulaient trop lentement. Notamment en ce qui concernait la très redoutée et détestée police secrète, la Stasi (Staatssicherheit = sécurité d'État). Alors que des rumeurs se répandaient comme quoi la Stasi détruisait de nombreux dossiers compromettants, une foule s'assembla devant son immeuble à Berlin-Lichtenberg le 15 janvier 1989 et força l'entrée pour envahir le quartier-général. Une foule qui n'était pas si ordinaire, selon ce qu'on a pu apprendre par la suite...


Déjà le 7 novembre, une table ronde entre dissidents et des représentants du régime eut lieu, sur le modèle polonais. La dissolution pure et simple de la Stasi était parmi les premières exigences de l'opposition. Alors que les bonzes du régime constataient l'ampleur des événements et tentaient de garder la situation en main en faisant des concessions, ils ne pouvaient se décider à anéantir ce qui fut réellement « le glaive et le bouclier du Parti » pendant 40 ans.


Le 17 novembre, le Parlement de la DDR (Allemagne de l'est) fait un pas vers l'opposition en remaniant quelque peu la Stasi. Elle est renommée 'Bureau de Sécurité Nationale' (Amt für Nationale Sicherheit). Mais les citoyens ne sont pas dupes, et suite à des rumeurs selon lesquelles la Stasi procèderait à la destruction de dossiers compromettants, des groupes de manifestants envahissent et occupent plusieurs bureaux de la Stasi à travers le pays dès le 4 décembre. À Berlin, la Centrale de la Normannenstrasse tient toujours bon et les travailleurs de la Stasi manifestent même pour demander des réformes, qu'ils veulent voir venir de l'intérieur. Sous pression, le gouvernement dissout l'héritier de la Stasi (AfNS) et élabore le projet d'un service bicéphale qui serait le Bureau de la défense de la constitution et le Service de renseignements.



L'opposition donne un ultimatum au gouvernement: les services de sécurité doivent être entièrement dissous d'ici le 15 janvier. Comme le gouvernement Modrow déclare le 11 janvier que le maintien d'un service de renseignement est essentiel, la population réagit vivement. Il se voit obligé de reculer et il annonce le 13 janvier que ce qui fut un jour la puissante Stasi n'existe plus et que son apparat sera démonté sous contrôle civil. Malgré tout, une foule de plusieurs dizaine de milliers de personnes s'assemble devant la Centrale de Berlin le soir du 15 janvier et veut prendre possession des archives. C'est là que plusieurs événements viennent troubler toute cette histoire.



Alors que les gens s'amassent, toujours plus nombreux, dans l'énorme complexe de Berlin-Lichtenberg où la Stasi avait son siège, les autorités tentent de calmer la foule. À un certain moment, les manifestants réussissent à entrer à l'intérieur du bâtiment et envahissent les locaux. Personne ne sait exactement ce qui s'est produit, et les événements subséquents permettent les fabulations les plus osées. Alors que les gens prennent le bâtiment, le chaos règne et les gens saccagent et fouillent comme ils veulent. Parmi ces simples citoyens, certaines personnes savent exactement où elles veulent aller et ce qu'elles veulent prendre. Se sont mêlés à la foule des agents de la Stasi venus détruire certains dossiers et peut-être même certains agents étrangers. Ce qui est sûr, c'est que la CIA parvient à mettre la main sur les dossiers du département d'espionnage à l'étranger de la Stasi. Ces « dossiers Rosenholz » auraient été vendus par un officier du KGB à qui on les avait remis. Ce nest pas avant 2003 que l'Allemagne reçu les copies de ces documents. Beaucoup de documents avaient déjà été acheminés vers Moscou entre novembre et décembre, et il n'est pas sûr que ceux-ci aient été saisis lors de l'occupation des bureaux. Beaucoup de mystère enveloppe les événements de la prise de la Centrale. Certains affirment que la Stasi n'a pas tiré et a ouvert les portes parce que certains des siens étaient parmi la foule.




Malgré les mesures prisent après cette nuit qui marqua la fin décisive de la terreur policière en Allemagne de l'Est, les archives de la Stasi ne sont pas encore tellement accessibles. Les dossiers Rosenholz ont notamment fait l'objet de plusieurs débats dernièrement, après qu'il fut avéré qu'on freinait leur étude et que la majorité des demandes d'accès les concernant étaient rejetées. Ces dossiers concernent les agents à l'étranger, c'est-à-dire aussi en Allemagne de l'Ouest, où plusieurs dizaines de députés auraient été en contact avec la Stasi. Ces papiers risquent d'en éclabousser plus d'un! Vingt ans après, le combat pour la vérité sur les archives n'est visiblement pas terminé.

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