mercredi 21 juillet 2010

D'une balle dans la nuque


Le Bélarus est bien connu pour ses violations des droits fondamentaux et il est régulièrement pointé du doigt par différents organismes internationaux comme Amnistie Internationale. Si sa réputation de 'dernière dictature d'Europe' est depuis longtemps bien assise, celle de dernier régime européen pratiquant la peine de mort l'est moins. Après deux décennies de silence, le Ministère de la justice a finalement publié les statistiques à ce sujet le 14 juin dernier. Depuis 1990, c'est-à-dire peu avant l'indépendance du Bélarus, les tribunaux locaux ont prononcé 321 condamnations à mort. Aujourd'hui encore en Europe, un État tue des gens en toute légalité, d'une balle dans la nuque...


La peine de mort était déjà en vigueur à l'époque soviétique et, pendant les périodes les plus meurtrières, elle fut amplement utilisée pour éliminer les ennemis du régime, réels ou imaginaires. Mais même en Union Soviétique elle fut abolie pour un certain temps, entre 1947 et 1950. Depuis leurs indépendances, tous les pays de l'ex-URSS y ont soit renoncé, soit décrété un moratoire sur la peine de mort... sauf le Bélarus. Dans ce pays où les pratiques policières sont violentes et où la justice est à la botte du pouvoir, le risque de tuer des innocents est élevé. De plus, les condamnations à mort sont menées dans le plus grand secret et avec le plus grand mépris pour les familles des condamnés et le respect de la légalité.

« Dans les cellules des condamnés à mort, les prisonniers détestent les portes. Tant que les portes sont fermées, ils ont encore la vie. La mort vient toujours des portes. » Ce sont les mots du Bélarussien Aleg Alkaeu, ancien bourreau en chef. Tous les condamnés à mort du monde vivent dans l'attente de la mort, mais les bélarussiens, eux, ne savent même pas quand viendra le moment de s'agenouiller pour se faire tirer une balle dans la nuque. Demain, la semaine prochaine, dans six mois? Et les familles aussi sont tenues dans l'ignorance. La mère d'Andreï Jouk a reçu le 1er juin dernier l'acte de décès de son fils, fusillé le 18 mars. Là où devrait être indiquée la cause du décès, un simple trait... En mai, elle courait encore d'un ministère à l'autre, d'un tribunal au suivant, tout ça dans l'espoir de savoir si son fils était toujours vivant. Maintenant, au-delà de ces souffrances passées, elle pleure de savoir qu'elle ne peut récupérer le corps de son fils ni savoir où celui-ci a été enterré. Dans un pays où le culte des défunts est une tradition très suivie, il s'agit d'une punition de plus pour les familles.

Si la peine de mort est bien entendu légale au Bélarus, les organisations de défenses des droits de la personne pointe du doigt certaines violations dans son exécution. Ainsi la loi bélarussienne donne à chaque détenu le droit de se tourner vers des instances internationales, tel le Comité des Droits de la Personne de l'ONU. Malgré tout, Andreï Jouk et Vasil Youzeptchouk ont été il y a peu exécutés alors que leurs plaintes adressées à ce comité n'avaient pas encore été examinées.

Si les rares sondages sur la question confirment que les Bélarussiens sont encore et toujours en faveur de l'application de la peine de mort, un véritable débat fait défaut. Lors du référendum constitutionnel de 1996, plus de 80% des électeurs s'était prononcés contre son annulation. Selon Valiantsin Stepanovitch, défenseur des droits de l'homme au centre 'Viasna', la société bélarussienne est encore dominée par un conservatisme à la soviétique. Plusieurs organisations nationales et internationales ont lancé une campagne en 2009 afin d'attirer l'attention de l'opinion publique non seulement sur la pertinence de cette mesure, mais aussi sur le barbarisme qui l'accompagne. Amnistie Internationale, le Centre Helsinki, la Maison des Droits de la Personne, ainsi que Viasna font partie des groupes qui allient leurs efforts dans cette campagne. « Le Bélarus est le seul pays d'Europe à encore pratiquer la peine de mort. Penses-y! », encourage la carte postale. D'autres actions, rassemblements et films ont été organisés par le mouvement. 

 Manifestant contre la peine de mort, à Minsk


 'Ne prends pas la vie!'

La question est intimement liée au sort des relations entre le Bélarus d'un côté et l'Union Européenne et les autres organisations internationales de l'autre. Alors que l'autoritaire président bélarussien Aleskander Lukachenka se rapprochait de ses voisins occidentaux, la question de l'annulation de la peine de mort a été posée comme conditionnelle à la participation du Bélarus à diverses instances. Ainsi, pour être invité à l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, il devait absolument s'aligner sur les autres pays et renoncer à cette mesure. Le président lui-même, en septembre 2009, annonça qu'une campagne d'information serait menée au sujet de l'annulation de la peine de mort. Le refroidissement des relations entre le Bélarus et les pays occidentaux pendant l'hiver a cependant repoussé aux calendes grecques la question de la peine capitale.

Malgré les efforts d'organisations courageuses au Bélarus, il est plus que probable que le sort de la peine de mort au Bélarus soit dicté par les futures relations entre celui-ci et la communauté internationale. Celles-ci sont pour le moment assez tendues et l'élection présidentielle ainsi que la répression qui l'accompagne ne feront sans doute rien pour les améliorer. Pour le moment, deux meurtriers de Grodna attendent leur exécution et il semblerait que les bourreaux bélarussiens aient encore du travail pour quelque temps...



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