vendredi 4 juin 2010

Extrême-droite en Russie


Le dernier attentat en date ayant eu lieu sur le territoire russe porte cette fois la marque de l’extrême-droite. C’est devant l’entrée de la salle de spectacle de Stavropol (Caucase du Nord) que la bombe a explosé, tuant sept personnes et en blessant une soixantaine. La plupart des victimes se rendaient à un spectacle de danse tchétchène, ce qui laisse les enquêteurs croire que des membres de l’extrême-droite sont responsables de l’attentat. Ce n’est pas la première fois que ceux-ci s’essaient au terrorisme, et il semble que c’est une tendance qui va grandissante. Le mouvement néo-nazi russe est en pleine transition, et il passe graduellement dans la clandestinité, ce qui trouble les pistes...

Depuis la chute de l’Union Soviétique, l’intolérance inter-ethnique est devenue beaucoup plus visible et répandue en Russie. Les guerres dans le Caucase ainsi que les attentats qui ont suivi ont contribué à cette dégradation de la situation. Les récentes difficultés économiques ont de plus fait des travailleurs des anciennes républiques soviétiques du Caucase et d’Asie Centrale des cibles de choix. Ils sont non seulement accusés de voler le travail des Russes, mais aussi d’être responsable d’une supposée augmentation de la criminalité. Soit se cachant derrière la luttre contre l’immigration illégale soit prônant carrément la pureté raciale, plusieurs associations nationalistes exploitent la situation.

Dans les années 2000, chaque année ont été tués de cinquante à cent Russes et citoyens étrangers, à cause de leur couleur de peau. Et encore, ce ne sont que des estimations faites par les organisations de défense des droits de l’humain. Car la justice russe refuse souvent de classifier un crime comme ‘racial’, et un passage à tabac par des jeunes aux crânes rasés qui crient « La Russie aux Russes! » et « Mort aux noirs! » n’a pas été considéré comme de l’extrémisme par un tribunal russe, mais plutôt comme un incident quelconque. De plus, nombre de victimes se taisent, par crainte de représailles ou bien à cause de leur situation illégale.

Depuis le début de cette année, le centre de défense des droits de l’humain « Sova » recense 18 meurtres commis par des néo-nazis (sans compter l’attentat, pas encore éclairci). Plus de 132 personnes ont été quant à elles blessées. Un bilan plus ‘maigre’ par rapport à la même période l’an dernier, alors que 37 morts et 202 blessés avaient été comptés. Alors que plusieurs procès de groupes de skinheads ont attiré l’attention du public et se sont terminés avec de lourdes sentences, les experts remarquent déjà une certaine transformation du mouvement d’extrême-droite. Abandonnant l’allure du hooligan-skinhead, les néo-nazis se fondent dans la masse et sont actifs dans de petites cellules clandestines autonomes. Le choix de la clandestinité s’est fait en réaction à l’interdiction de plusieurs organisations nationalistes et à l’intensification de leur répression. Depuis, le recours au terrorisme à plus grande échelle et avec une plus grande portée médiatique semble peu à peu remplacer les passages à tabac dans la rue.

L’assassinat ciblé des ennemis du mouvement est une stratégie qui semble aussi privilégiée dernièrement. Ainsi, activistes de mouvements anti-fascistes, défenseurs des droits de l’homme ainsi que juges trop coriaces sont fréquemment la cible des néo-nazis. Sur certains sites, les adresses de ces ‘ennemis’ sont disponibles. Le brutal assassinat de l’avocat Stanislav Markelov et de la journaliste Anastasia Babourova en plein jour au centre de Moscou avait donné lieu à de nombreuses spéculations. En effet, Markelov avait défendu bon nombre d’opposants politiques, mais aussi des victimes d’exactions de l’armée russe. En fait, c’était son engagement contre les néo-nazis qui a poussé deux jeunes extrémistes d’extrême-droite vivant dans la clandestinité à l’abattre. Tout dernièrement, c’est le juge Édouard Tchouvachov qui a fait les frais de son combat contre les néo-nazis. Le 12 avril, il a été abattu dans la cage d’escalier de son immeuble. Plus d’une dizaine de militants des milieux antifascistes sont tombés sous les coups de néo-nazis dans les dernières années. En novembre dernier, une des figures les plus actives du mouvement, Ivan Khoutorskoï, 26 ans, a été abattu en bas de son immeuble. Plusieurs activistes se sont quant à eux réfugiés à l’étranger.

Les meurtres ciblés ainsi que les actions qui frappent l’opinion publique représentent une alternative aux vadrouilles dans les banlieues à la recherche de victimes ‘basanées’. Ainsi, les images de l’exécution de deux travailleurs migrants sur fond de drapeau nazi avaient fait le tour du monde. La décapitation d’une des deux victimes et le placement de la tête dans un conteneur à côté d’un bureau des services de l’immigration non seulement montraient que les néo-nazis ne reculeraient pas devant la cruauté barbare, mais aussi que les fonctionnaires devaient se tenir pour avertis. En effet, ceux-ci sont accusés par les néo-nazis et autres activistes anti-immigration de faciliter l’arrivée des migrants.

Si la piste néo-nazie se confirme à Stavropol, il se pourrait que cela soit un des premiers attentats à grande échelle du mouvement et qu’il s’agisse d’un nouveau signe que l’extême-droite russe a pris une autre direction qui promet de faire beaucoup de dégâts et de contribuer à l’empoisonnement des relations entre les nombreux groupes ethniques de la Fédération russe. Reste à voir si le pouvoir va mettre fin à sa politique ambiguë envers les ultra-nationalistes et enfin réagir avec fermeté.

Article traduit du russe sur le mouvement d'extrême-droite 

Un bon reportage publié dans Le Monde
http://www.interet-general.info/article.php3?id_article=9433

Un reportage vidéo "From Russia with Hate" (en anglais)
Sur les anti-fascistes russes assassinés

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