jeudi 27 mai 2010

Les « Peratroussi » bélarussiens

 Perquisition lors des "Peratroussi"

Il y a une semaine, une vague de répression s’est abattue sur le mouvement citoyen ‘Dis la vérité!’ (Havary Praudu!). Dans une vingtaine de bureaux du mouvement un peu partout au Bélarus et presque au même moment, la police a effectué des descentes. De plus, des appartements d’activistes ont été perquisitionnés, du matériel a été confisqué et plusieurs des activistes ont été arrêtés. Le fondateur de cette initiative citoyenne, le renommé poète Ouladzimir Nyaklyayeu (Уладзімір Някляеў), a passé trois jours en captivité. Comme à l’habitude, les autorités ont mis du temps avant de motiver leurs actions. Finalement, les suspects ont été accusé d’avoir « diffusé des informations mensongères sur des produits et services. » Ce qui a suscité beaucoup d’incompréhension, le mouvement n’offrant comme produit ou service que de « dire la vérité »... Partout au pays les experts voient cette vague de ‘peratroussi’ (littéralement : violentes secousses, i.e. des intimidations policières) comme le déclenchement de la campagne présidentielle.
Comme il est bien difficile, et risqué, de s’engager en politique au Bélarus, les fondateurs du mouvement ‘Dis la vérité!’ avaient pris bien soin de préciser dès le début qu’ils ne font pas de politique et qu’ils ne visent qu’à informer les citoyens du véritable état des choses au pays. Sur leur site internet, les bénévoles de l’action citoyenne écrivent sur de nombreux sujets : depuis l’état des droits humains au Bélarus jusqu’à la route du village qui n’a pas été réparée tel que promis. Bref, partout ou les canaux officiels mentent et se taisent, le mouvement veut crier la ‘vérité’. Et il semble que tout cela ait pas mal de succès, comme le prouvent les quelques 18000 signatures rassemblées en faveur du changement du nom d’une rue à Minsk et à Grodna pour immortaliser la mémoire de l’écrivain Vassil Bikau, jusqu’à sa mort en 2003 très critique du pouvoir. Le mouvement ne plaît pas à certaines personnes et il a été noirci d’un côté comme de l’autre.

Que cela n’ait pas plu au gouvernement et aux fonctionnaires locaux, cela n’a surpris personne, mais les critiques de la part d’une certaine frange de l’opposition en ont dérangé plus d’un. Celles-ci visaient justement le caractère non-politique de l’intiative, qui non seulement la condamnerait à rester inefficace, mais aussi détournerait l’attention de la lutte pour la prochaine présidentielle. En fait, la clarté n’a toujours pas été faite sur les possibles ambitions politiques du mouvement et de Nyaklyayeu. Celui-ci a déjà annoncé il y a deux mois son intention de se présenter aux élections présidentielles, et le pouvoir a sans doute craint que le mouvement ne lui serve lors de sa campagne. Nyaklyayeu, lui, assure que le mouvement se poursuit indépendamment des élections et qu’il ne se laissera pas influencer par les divers changements politiques.

La situation internationale a énormément changé pour le Bélarus depuis environ deux mois : le rapprochement avec l’Europe n’a pas vraiment eu lieu et les relations avec la Russie sont mauvaises, pour ne pas dire à leur plus bas niveau depuis l’indépendance. Le soutient russe au coup d’État au Kirghizistan et le refuge offert au président déchu Kourmanbek Bakiev au Bélarus en sont autant de signaux. D’un côté la Russie a montré qu’elle n’est pas contre l’usage de la force pour soutenir ou favoriser un changement de régime chez ses voisins, de l’autre le Bélarus a voulu montrer par son pied de nez qu’il ne se laissera pas faire. Longtemps véritable vassal du voisin russe, Loukashenka poursuit une politique plus indépendante depuis quelques années et se sent assez assuré pour tenir tête à Moscou. Depuis l’accueil du président kirghize déchu, Loukashenka attend le retour du balancier : quelle forme prendra la vengeance du duo Poutine-Medvedev? Une atmosphère de méfiance règne au Bélarus, et les autorités auraient suivit la piste russe comme soutient externe du mouvement ‘Dis la vérité!’, selon les activistes arrêtés.

Que ce soit pour démasquer l’intervention de Moscou, ébranler une initiative citoyenne ou bien faire peur à la société civile à la vieille de la campagne présidentielle, il est certain que les autorités ont démontré leur détermination à résister. Si différents scénarii quant à l’avenir du régime actuel ont été ébauchés par des experts locaux, des plus optimistes au plus pessimistes, il paraît bien que le président Loukashenka se prépare au pire...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire