samedi 18 décembre 2010

Quels scénarios pour le Bélarus?

 La place d'Octobre devrait à nouveau être la scène de manifestations

À la veille du jour fatidique des élections bélarussiennes, les experts font tous leurs prédictions sur le futur de l'ex-république soviétique. Les élections seront-ils reconnues comme démocratiques? Loukachenka restera-t-il au pouvoir? Le Bélarus amorcera-t-il une démocratisation? S'orientera-t-il vers l'Union Européenne ou bien est-ce que son futur restera lié à celui de la Fédération Russe?


Depuis lundi, les élections se passent selon le schéma habituel. Les infractions sont nombreuses, mais il n'en reste pas moins que les falsifications massives attendues par l'opposition n'ont jusqu'à présent pas eu lieu. Selon le chef de la mission de l'OSCE, Gert Arens, la reconnaissance, ou non, des résultats dépendra de la façon dont le décompte se fera. Malgré tous les signes positifs venant de l'Ouest, l'Union Européenne devrait tout de même rester fermement sur ses positions et ne semble pas vouloir faire de cadeau à l'autoritaire président.

Si la campagne électorale a commencé avec un Alexander Loukachenka mal assis sur son trône, entre une Europe exigeante et une Russie franchement hostile, la dernière semaine lui a permis de renforcer quelque peu sa position. Un semblant de réconciliation a eu lieu avec la Russie après plus de six mois de relations glaciales. Son homologue russe Dimitri Medvediev l'a rencontré le 9 décembre et ce tête-à-tête a été bruyamment célébré par la presse gouvernementale bélarussienne comme la réconciliation avec le grand frère russe. Les idéologues du pouvoir prétendent avoir coupé l'herbe sous le pied de l'opposition, qui a joué la carte pro-russe durant la campagne.

Quels sont donc les scénarios éventuels? De quoi dépendra la suite des événements? Voici quelques facteurs clés qui influenceront le cours des choses.

1.La reconnaissance des élections

Si l'Occident reconnaît les élections bélarussiennes comme démocratiques, le régime bélarussien se verra tout à coup admis dans le grand jeu européen et pourra profiter des aides offertes par l'Union Européenne. Déjà, un prêt de trois milliards a été promis en cas d'élections conformes aux standards occidentaux. La Russie n'aurait alors pas d'autre choix que de reconnaître elle aussi la victoire de Loukachenka. La fin de l'isolation devrait permettre au régime de profiter d'un flux de capitaux étrangers. Cependant, la reconnaissance des élections ne serait qu'un premier pas, et l'Occident attendra de Loukachenka qu'il continue la démocratisation au-delà du vote. Sinon, les sanctions pourraient à nouveau frapper la république.

2.La non-reconnaissance des élections

Si les fraudes tant attendues ont en effet lieu, la porte vers l'Ouest restera fermée. La patience de l'Union Européenne est à bout avec Loukachenka, qui n'a pas été à la hauteur des attentes lors du réchauffement des relations en 2008. Il est même possible que les sanctions durcissent, dépendamment des mesures qui seront prises contre l'opposition. En fait, le grand inconnu en cas de non-reconnaissance du résultats de l'élection présidentielle sera la réaction de la Russie. La 'réconciliation' récente n'était pas très chaleureuse et il se peut bien que le duo Medvedev-Poutine suive l'exemple européen. Dans ce cas, la situation de Loukachenka risque d'être intenable, pris entre la marteau et l'enclume. D'un autre côté, autant les relations personnelles entre les dirigeants sont mauvaises, autant la Russie pourrait préférer continuer à tenir le Bélarus dans une situation de dépendance politique et économique. Les Russes préféreront peut-être Loukachenka avec tous ses défauts plutôt qu'un opposant imprévisible.

3.L'opposition bélarussienne

Le soir du 19 décembre, des milliers de personnes se rendront sur la place d'Octobre, dans le centre de Minsk. La plupart des candidats l'ont répété maintes et maintes fois: les élections seront falsifiées, il faut manifester. Il y a aura les opposants de longue date, mais le citoyen lambda viendra-t-il? Pour l'opposition, le but est de renverser Loukachenka et de réorganiser des élections sans lui. Il y a aura donc une occupation de la place centrale et un bras de fer avec le pouvoir. Si une foule immense se mobilise, le pouvoir devra faire attention. Depuis des semaines, les autorités tentent d'effrayer les gens en répétant que la manifestation est illégale et en répandant des rumeurs selon lesquelles l'opposition préparerait des armes. L'opposition pense qu'une provocation des forces spéciales suivie d'une intervention violente pourrait avoir lieu, mais cela donnerait mauvaise presse au régime. Dans le cas d'une mobilisation massive, l'opposition devra agir intelligemment pour s'attirer la sympathie du peuple et forcer le pouvoir à négocier. Déjà six candidats appellent à la manifestation et plusieurs partis y seront; seront-ils capables de coordonner leurs actions et agir ensemble? Mais, sans appuis extérieurs, est-ce vraiment possible de vaincre?


4.Le régime

Comment est-ce que le régime réagira aux réactions de la population et de la communauté internationale? Loukachenka a besoin de soutien, mais il est vrai qu'il pourrait se limiter au soutien de la Russie, comme il l'a fait si longtemps. Il accusera encore l'Occident de ne pas respecter le 'choix' du peuple. En cas d'isolation et de non-reconnaissance autant par l'Union Européenne que par la Russie, le jeu pourrait devenir dangereux. La pression populaire devrait alors se faire plus intense et il pourrait y avoir une répression violente. D'autant plus que Loukachenka n'aurait dans ce cas plus à tenir compte de son image à l'étranger.

Si le peuple se mobilise malgré une reconnaissance des résultats, Loukachenka devra être prudent, car des journalistes du monde entier seront sur les lieux et les actions brutales des forces de l'ordre pourraient empêcher son retour dans les grâces de la communauté internationale. Le régime pourra-t-il garder la tête froide devant la mobilisation populaire? Dans un contexte de démocratisation, il sera difficile de refuser tout dialogue avec l'opposition.

Si le régime veut vraiment continuer la démocratisation, il devra faire face à une opposition qui s'est fort développée lors des derniers mois. Pourra-t-il tenir? Le régime est fondé sur le pouvoir d'un homme, le contrôle de l'industrie et une certaine stabilité. Si Loukachenka profite d'une certaine popularité, il n'a cependant pas de parti politique et il n'est pas sûr qu'il réussirait à évoluer dans un système parlementaire avec des médias libres et des élections démocratiques.


Les événements de demain de demain dépendront de ces quatre facteurs. Même si le meilleur des scénarios possibles se réalisait pour Loukachenka, c'est-à-dire une victoire reconnue par la communauté internationale doublée d'une faible mobilisation populaire, le régime actuel pourra-t-il survivre sans une libéralisation économique et démocratique? À moyen ou long terme, le régime actuel n'a pas d'avenir. Il ne reste qu'à voir si les changements viendront de la base ou bien d'en-haut; et s'ils auront lieu demain, dans un mois ou quelques années. Nous ne pouvons que souhaiter un déroulement pacifique des élections et des manifestations qui suivront.

Жыве Беларусь!


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