dimanche 8 novembre 2009

« Plus jamais l'Allemagne! » – « Germany never again! »



« Nie – Nie – Nie! Nie wieder Deutschland! », scandent les manifestants sur la Friedrichstrasse, au coeur de Berlin. Une voix dissidente se fait entendre dans l'orgie nationaliste des festivités entourant l'anniversaire des 20 ans de la chute du mur. Plus que la chute du régime totalitaire d'Allemagne de l'est (DDR), c'est la fin de la division de la nation allemande qu'on célèbre. Et le courant anti-nationaliste allemand se mobilise pour exprimer son refus d'associer le 9 novembre 1989 à une quelconque réunion nationaliste. Au-delà de tout ça, ce mouvement de l'extrême-gauche rejette l'interprétation de la 'fin de l'histoire' (associée à Francis Fukuyama) selon laquelle la fin du communisme en Europe marquerait la victoire finale de la démocratie libérale et du capitalisme. « Es gibt kein Ende der Geschichte – Gegen die Herrschaft der falschen Freiheit », tel est le titre de la manifestation. « Il n'y a pas de fin de l'histoire – Contre le règne de la fausse liberté. » Ce samedi quelques 500 personnes, surtout des jeunes, défilèrent sous cette bannière. Et cela sous très haute surveillance policière...


C'est que pour eux, l'expérience du communisme n'a jamais été réalisée, ni en Russie ni ailleurs, et cette idéologie reste donc un objectif à atteindre. Leur critique de la supposée liberté libérale en Allemagne est claire et pertinente sur plusieurs points, mais quant à définir ce que serait la vraie liberté, alors là c'est beaucoup plus complexe.

Le mouvement anti-allemand tire ses racines de la réaction de la génération soixant-huitarde d'Allemagne de l'ouest face au passé nazi de leurs parents et grand-parents. Voyant le national-socialisme comme une manifestation d'un nationalisme exacerbé, cette vague contestataire s'est toujours méfiée de toute nouvelle apparition de nationalisme. C'est qu'à l'époque en République Fédérale Allemande (Ouest), on n'avait pas du tout réglé ses comptes avec le passé et nombreux étaient les anciens Nazis dans les structures de l'État.

Selon le mouvement, ce qui a rendu possible le nazisme se trouve au coeur du nationalisme allemand. Donc logiquement, ce qui a été possible une première fois pourrait bien se reproduire. Le côté ethnique du nationalisme allemand n'a toujours pas disparu et l'apologie de la réunification est vue par certains comme une sorte d'idée de Grande Allemagne. Les lois sur la citoyenneté allemande suivent encore plusieurs principes de la loi du sang, Jus sanguinis, (contrairement à la loi du sol, Jus soli, comme aux États-Unis).

Un autre risque que voit le mouvement anti-nationaliste dans la glorification de la réunification allemande, c'est l'interprétation de la division comme d'une punition pour les crimes de la nation. Et donc de la réunification comme la fin de la pénitence. En gros l'Allemagne a payé par ses 40 ans de division et elle est maintenant quitte. Le devoir de mémoire n'est donc plus nécessaire. Cette pensée est dénoncée par le mouvement et ce débat s'illustre bien par le hasard historique par lequel le 9 novembre est la date de la chute du mur en 89, mais aussi celle de la Nuit de Crystal (ou bien plutôt le Pogrome du Reich) en 38. Dans la foulée des festivités, je vous laisse deviner l'événement qui retiendra toute l'attention, et ce que les anti-nationalistes préfèreront célébrer.

Si le temps et la réunification ont permis à de nombreux Allemands de se réapproprier leurs symboles nationaux et d'à nouveau se dire fiers de leur nationalité, le mouvement anti-national reste vivant pour fustiger toute manifestation patriotique. Que ce soit contre l'implication militaire allemande ou contre les défilés de soldats dans les villes, ils sont constamment mobilisés au nom du souvenir du passé. Ces dernières années, plusieurs initiatives ont été lancées dans le monde sous-culturel des milieux de gauche, souvent d'une façon ludique. « Raven gegen Deutschland » (Raver (de l'anglais rave)contre l'Allemagne) ou « Love Techno – Hate Germany » (voir photo) faisaient d'événements techno des affirmations anti-nationalistes. Le premier venant d'une chanson du groupe Egotronic.





Comme le football a été une des premières sphères où le retour d'une identité nationaliste allemande a été tolérée, il reste une cible pour le mouvement. On se souviendra que la victoire de l'équipe ouest-allemande à la Coupe du monde de 1954 a servi de réconfort à une nation en ruine et puis que celle de 1990 a été au cœur d'une année euphorique marquée par la chute du mur et la réunification. Lors du Mondial de 2006, des graffitis et des posters souhaitaient à l'équipe allemande une élimination dès la ronde préliminaire. (voir photo)

« Nie – Nie – Nie! Nie wieder Deutschland! » are chanting the demonstrators on the Freidrichstrasse, in the heart of Berlin. A dissident voice makes itself heard amid the national orgy of festivities celebrating the 20th anniversary of the fall of the wall. More than the fall of East Germany's totalitarian regime, it is the end of the division of the German nation that is being celebrated. And the German anti-nationalist current is rallying to express its refusal to associate the 9th November 1989 with any kind of nationalist reunion. Beyond that, this radical left-wing movement rejects the 'end of history' theory (linked with Francis Fukuyama) according to which the end of communism in Europe marks the final victory of liberal democracy and capitalism. « Es gibt kein Ende der Geschichte – Gegen die Herrschaft der falschen Freiheit », such is the title of the demonstration. « There is no end of history – Against the rule of fake liberty. » This Saturday some 500 persons, mainly youths, marched under this banner. And under heavy police security...

According to them, the communist experiment was never realized in Russia or elsewhere, and thus this ideology remains an objective to be achieved. Their criticism of the so-called liberal freedom in Germany is clear and valid on many points but when it comes to defining what real freedom would be, then it gets much more complicated.

The anti-German movement takes its roots in the reaction of the West German 1968 Generation toward the nazi past of their parents and grandparents. Seing National-socialism as a manifestation of exacerbated nationalism, this contest wave remained distrustful of any new emergence of nationalism. Not to forget that at that time in the German Federal Republic (West), the scores with the past had not yet been settled and many former Nazis were in the State structures.

According to the movement, what enabled Nazism lies at the very heart of German nationalism. So logically, what was possible once could very well happen again. The ethnic feature of German nationalism has not yet disappeared and the apology of reunification is still seen by some as some sort of Great Germany ideal. Laws on German citizenship still follow blood principles, Jus sanguinis, (as opposite to land principles, Jus soli, like in the USA).

Another risk that the anti-nationalist movement sees in the glorification of reunification is the interpretation of the split as a punishment for the crimes of the nation. And therefore reunification is the end of the penitence. In short, Germany has paid with the 40-year-long division and is now even. The memory duty is thus not necessary anymore. This way of thought is denounced by the movement et the debate is well illustrated by the historical coincidence by which the 9th of November is the date of the fall of the wall in 1989, but also of the Crystal Night (or rather the Reich Pogrom) of 1938. Amid the celebrations, guess which event is going to catch all the attention... and what the anti-nationalist will rather celebrate.

Whereas time and reunification let many Germans win back their national symbols et once again feel proud of the nationality, the anti-German movement still lives on to flay any patriotic manifestation. Whether against German military operations or against military parades in cities, they keep alert in the name of the past. In the past few years, some projects were launched in the left-oriented subcultural world, often with a playful touch. « Raven gegen Deutschland » (Rave against Germany) or « Love Techno – Hate Germany » used techno-music to state their anti-nationalist views. The first slogan comes from a song by the group Egotronic. (see picture above)

Since football was one of the first spheres in which the return of a nationalist identity was tolerated, it remains a target for the movement. We shall remember the 1954 World Cup victory of the West German team which comforted a nation lying in ruins, and then the one of 1990 was at the heart of a euphoric year marked by the fall of the wall and the reunification. During the 2006 World Cup, graffiti and posters wished the German team a first-round elimination. (see picture above)

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