vendredi 20 novembre 2009

"My jsme to NEvzdali"



"Nous n'avons pas laissé tomber", tel est le titre de l'exposition disposée dans les rues de Prague pour retracer les grands événements, ou plutôt tragédies, qui ont marqués le vingtième siècle tchécoslovaque. De la colline du château jusqu'à la place Vaclav en passant par le parc Kampa, des panneaux bilingues tchèque-anglais présentent aux Praguois et aux visiteurs douze thèmes à travers les destins personnels de témoins. La Deuxième Guerre mondiale & la Résistance, L'Holocauste, Le Gulag, Les années 50, 1968-1969, La dissidence et Charte 77, La normalisation, Nos minorités, Le théâtre et la révolution, Novembre 89 du point de vue de l'ambassade britannique, La Sécurité d'État et Novembre 89, Les manifestations. Nous est offert un véritable regard dans la mémoire collective (officielle) tchèque.



Le visiteur tiquera peut-être en remarquant que les trois premiers thèmes sont côte-à-côte. Mettre l'Holocauste à côté du Goulag est plutôt dans l'air du temps en Europe de l'est, surtout dans les pays dont les habitants ont eu une conduite ambiguë envers le nazisme. Ce ne fut pas le cas des pays tchèques (alors qu'en Slovaquie, un gouvernement pro-nazi poursuivit et massacra Juifs et Roms avec zèle). En fait, le choix s'explique plutôt par la proximité chronologique de ces événements. En effet, alors que les Allemands occupent les pays tchèques, d'un côté les Juifs et opposants doivent subir les camps de concentration, de l'autre certains fugitifs qui attérissent en Union Soviétique sont traités comme des espions et envoyés au Goulag. N'oublions pas que d'août 1939 à juin 1941, l'Union Soviétique était non seulement liée à l'Allemagne par un pacte de non-agression, MAIS AUSSI par un pacte d'amitié! Donc ces réfugiés tchécoslovaques n'étaient bons qu'à rejoindre l'armée d'esclaves dans l'archipel du Goulag. Seulement autour de 1942, en pleine guerre contre l'alliance fasciste, les Soviétiques se tourneront vers Polonais, Tchècoslovaques et autres afin de former des divisions nationales qui les aideront dans la lutte. Un wagon trône sur la place du château, illustrant le destin de nombreux citoyens, entraînés vers les camps nazis et ainsi que parfois vers les soviétiques.

Pour chaque thème, un bref résumé de la situation qui règnait alors est présenté et ensuite c'est par l'esquisse du destin de certains survivants interrogés dans les années 2000 que le lecteur peut se faire une idée de ce qu'ont pu vivre certaines personnes. Ce qui intéressant, c'est la phrase-titre de chaque portrait, une phrase illustrant l'opinion du témoin sur la Révolution de velours de novembre 1989. La plupart ayant subi l'histoire de plein front, il est intéressant de lire leurs opinions provoquantes et sans détour sur ce bouleversement. Beaucoup regrettent amèrement l'impunité dont jouissent les anciens dirigeants communistes, d'autres fustigent la classe politique d'aujourd'hui, d'autres encore déplorent le peu d'intérêt qu'ont les jeunes pour leur démocratie et certains sont, bizarrement, nostalgiques.

La partie 'Nos minorités' dans le parc Kampa est aussi d'un intérêt particulier. Croyant enfin avoir la chance de lire un peu sur l'histoire des Roms ('gitans', 'tsiganes'), j'ai plutôt eu droit à l'histoire de citoyens juifs, de citoyens d'origine allemande persecutés après la guerre et de réfugiés grecs de la guerre civile (1945-1948). Seul le texte principal mentionne les Roms, parmi tant d'autres. Est-ce le fidèle reflet de la façon dont est traitée la plus importante minorité nationale ou bien est-ce un simple hasard? Bref, assez étrange. Le texte introduisant le thème mérite l'attention, puisqu'il n'hésite pas à mentionner l'idéologie nationaliste de l'État-nation ethniquement pur. Il est formulé d'une façon assez provocante puisqu'il évoque l'idée alors largement répandue qu'Hitler avait débarrassé les Tchécoslovaques des Juifs et la guerre leur avait donné le prétexte qu'il fallait pour ensuite chasser les Allemands. L'évocation du sort des Allemands est aussi révélatrice d'une certaine maturité politique et historique, puisque l'évacuation souvent brutale de millions d'Allemands est restée longtemps un sujet tabou. Toute tentative de revenir sur le sujet équivalait à vouloir faire des Allemands les victimes de la guerre, devant les autres.

L'exposition 'My jsme to nevzdali' est le fruit de la collaboration entre l'organisation non-gouvernementale Post-Bellum, qui recueille les témoignages de nombreux témoins de l'époque 1939-1989, et de l'institut gouvernemental 'Pamět Naroda' (Mémoire de la nation), qui se charge d'étudier l'histoire du pays sous l'occupation allemande et puis sous la dictature communiste. Elle fait partie des très nombreuses expositions dédiées à la chute du communisme en Tchécoslovaquie.

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