jeudi 8 octobre 2009

Bélarus II


(Image: les armoiries nationales de la Biélorussie, avant l'arrivée au pouvoir de Loukachenko)

Des rencontres plus qu'enrichissantes ont rendu mon dernier séjour en Biélorussie particulièrement intéressant. J'ai rencontré des étudiants qui sont très engagés autant dans la vie sociale que dans la vie politique. Pour ceux qui suivent un peu l'actualité en provenance de ce pays, je n'ai pas besoin de souligner l'importance d'un tel engagement et les risques encourus par ces jeunes. En effet, plusieurs jeunes militants de divers groupes politiques et sociaux dissidents ont été arrêtés, expulsés de l'université et parfois même envoyés de force au service militaire.(UK-RU-BY) Si presque chaque citoyen biélorusse d'âge actif (les retraités étant plutôt sympathiques au régime d'Alexander Loukachenko) est critique du régime, c'était la première fois que j'avais la chance de discuter avec quelques 'opposants', et ils sont actifs! Leur engagement se situe d'un côté au niveau social, dans leurs efforts pour récolter des fonds et visiter des orphelinats afin d'égayer la vie de jeunes délaissés par la société. D'un autre côté, ils s'engagent dans un domaine qui leur offre une certaine liberté d'action, c'est-à-dire qu'ils luttent pour la survie et la diffusion de la langue biélorusse. Cette langue, qui mourait déjà sous le pouvoir communiste, continue son déclin depuis l'arrivée au pouvoir du président actuel.



Après la chute de l'Union Soviétique, des mesures furent prises par le nouveau pouvoir politique afin d'encourager et de réintroduire l'usage du biélorusse au sein des institutions et de la société. L'arrivée de Loukachenko à la tête de l'État changea la donne, certains diront parce qu'il parlait très mal la langue, d'autres mentionneront le mécontentement d'une partie de la population refusant d'abandonner le russe. Ce qui est certain, c'est que cet ancien directeur d'une ferme collective de volaille surfait la vague de la nostalgie soviétique. De plus, il misait sur l'insatisfaction envers les réformes économiques et les difficultés qu'elles ont entraînées. De puissants supports ont aussi catapulté бацька (batska = père en biélorusse, surnom de Loukachenko) au sommet, de Russie dit-on. Un des premiers gestes du nouveau président fut d'organiser un référendum pour changer la constitution. Au-delà du renforcement du pouvoir présidentiel, les réformes proposées prévoyaient aussi la réintroduction des symboles nationaux du temps de l'URSS et le retour en force du russe comme langue officielle dominante. Bref, le biélorusse est depuis relegué au rang de curiosité nationale et, même si une grande partie de l'affichage public administratif reste en biélorusse, la véritable langue de communication est le russe. Certaines des affiches de propagande, surtout celle jouant sur la tradition et l'histoire, sont en biélorusse, mais le russe est privilégié là aussi. Dans les écoles, les écoliers apprennent certes le biélorusse, mais on en fait pas une langue d'apprentissage privilégiée. Ce délaissement de la langue nationale est évidemment très fort critiqué par les nationalistes et l'usage de la langue biélorusse est devenu un symbole d'opposition.


Si vous entendez deux jeunes parler en biélorusse dans les rues de Minsk, vous pouvez être sûrs qu'il s'agit de membres ou sympathisants des mouvements d'opposition. Pour eux, la langue est un domaine relativement sûr et puissant dans lequel permet d'agir au quotidien. C'est une façon de s'opposer aux autorités qui basent leur politique sur la prétention que le russe est une langue moderne et dynamique alors que le biélorusse est rétrograde et mort. Comme me disait un ami: « Pour moi c'est important d'utiliser le biélorusse dans la rue, avec les gens, avec mon entourage, car je veux montrer que des jeunes gens modernes peuvent aussi l'utiliser, qu'elle peut aussi être branchée. » Un autre parle systématiquement biélorusse, et même avec moi, qui suis pourtant étranger. Dans leur faculté, il y a plusieurs groupes, selon le choix linguistique. Malheureusement, seuls deux groupes sur une dizaine ont décidé de poursuivre leurs études en biélorusse. Il arrive aussi souvent que des professeurs soient incapables d'enseigner leur matière en biélorusse, vu leur connaissance trop approximative de la langue.


Qu'en est-il du futur du biélorusse, alors? Il est évidemment impossible de lire l'avenir, enfin, pour moi. Ce qui est sûr, c'est que le jour où il y aura un changement, que ce soit dans la politique officielle ou bien carrément un changement de gouvernement, le biélorusse ne pourra pas faire un retour instantané dans le pays. L'exemple de l'Ukraine montre à quel point il est difficile d'imposer une langue à la société. Et encore, l'Ukraine partait avec une longueur d'avance, car certaines de ses régions (surtout occidentales) avaient encore conservé la langue, mais aussi un très fort sentiment nationaliste. En Biélorussie aussi, la langue a été conservée, même si à un degré moindre, mais elle n'a pas pu avoir le soutien d'un sentiment nationaliste aussi fort. Il est dur de voir dans quelle région le nationalisme biélorusse pourrait trouver un bastion comparable à Lviv (Lvov) en Ukraine. Et même si certaines politiques imposent le retour de la langue dans les écoles, les universités et l'administration, comment est-ce que cela pourrait se traduire par un retour dans la société, dans les familles, sur le lieu de travail? Les Ukrainiens connaissent sans doute mieux leur langue que du temps de l'Union Soviétique, mais une très grande partie d'entre eux continuent d'utiliser la langue russe au quotidien, et tout particulièrement à Kiev, la capitale! Comme pour toute chose, il faudra de la patience aux nationalistes biélorusses, mais avant toute, il faudra un élément déclencheur...




(Image: the national coat of arms of Belarus, before Lukashenko's coming to power)
More than fulfilling encounters made my recent stay in Belarus particularly interesting. I met students who are very engaged both in the social and political spheres. For those who follow the news coming from the country, there is no need de underline the importance of such an engagement as well as the risks they are taking. Indeed many young militants of various dissident political and social groups have been arrested, expelled from their university and sometimes even forcefully sent in the army.(UK-RU-BY) Even if almost every single Belarussian citizen (except maybe the pensioners, quite sympathetic of Alexander Lukashenko's regime) is critical of the regime, it was the first time I had the chance to discuss with some 'opponents', and they are active! Their engagement focuses first and foremost on the social level, in their efforts to collect funds and visit orphanages to cheer up the existence of those left behind by society. Secondly they are engaged in a domain in which they have some elbow room, that is the struggle for the survival and diffusion of the Belarussian language. This language was already dying under the Soviet regime and its decline has been going on ever since the coming to power of the present president.


After the fall of the Soviet Union, measures were taken by the new political regime to reintroduce and support the use of Belarussian in institutions and society. The arrival of Lukashenko at the head of the State put a stop to this, some will say because he spoke the language very badly, others will mention the dissatisfaction of a section of the population that refused to abandon Russian. What remains certain is that the former chicken collective farm director found receptive ears for his soviet nostalgia. Moreover he built on the discontent toward the economic reforms and the subsequent hardships they implied. Some powerful supports also helped бацька (batska = father in Belarussian, nickname of Lukashenko) to obtain the highest post of the state, from Russia, some say. One of his first undertaking was to organize a referendum to change the constitution. Apart from the reinforcement of presidential powers, the proposed reforms foresaw the reintroduction of the national symbols from Soviet times and a strong resurgence of Russian as the dominant official language. In short Belarussian has been relegated to the status of national curiosity and, even though the majority of administrative signs remains in Belarussian, the real language of communication is Russian. Some of the propaganda posters are in Belarussian, especially those playing on tradition and history, but Russian is also the privileged language in propaganda. In schools children do learn Belarussian, but it is not used in other subjects (except history). Of course the neglecting of the national language is strongly criticized by nationalists and the use of Belarussian has become a sign of opposition.


If you happen to overhear two youngsters speak Belarussian on the streets of Minsk you can be sure that they are members or sympathizers of one or another opposition movement. For them language is a relatively safe and powerful domain in which they can act daily. It is a way to confront the authorities, who ground their politic on the claim that Russian is a modern and dynamic language whereas Belarussian is backwards and dead. As a friend of mine said: « For me it is important to use Belarussian on the streets, with people, with friends and family because I want to show that young and modern people can use it, that it can be cool. » Another speaks systematically Belarussian, even with me, although I am a foreigner. In their faculty there are different groups, depending on the choice of language. Unfortunately only two groups out of about ten decided to study in Belarussian. It also happens that teachers are unable to hold their lectures in Belarussian because their knowledge of it is too shaky.


So what's the future of Belarussian then? Of course it is impossible to predict the future, well, as long as I'm concerned. What's seems certain is that whenever there will be a change of policy or even a government change, Belarussian will not be able to make a swift return in the country. The Ukrainian example shows to which extent it is hard to impose a language to society, even though the Ukraine was one length ahead of Belarus. Indeed, over there some regions (especially in the West) had kept the language alive along with a strong nationalist feeling. In Belarus too, the language was somehow kept, though to a lesser degree, but there was no strong nationalist feeling to support it. It would be hard to find a region of Belarus where nationalists would have a stronghold comparable to Lviv (Lvov) in the Ukraine. And even if some measures were to impose the return of Belarussian in schools, universities and public offices, how would this translate in a return of it in society, families and on the workplace? Ukrainians surely know their language better than under the Soviet regime, but a large part of the population still uses Russian daily, and that is still true in Kiev, the capital! As for any thing, Belarussian nationalists will need patience, and above all, a triggering event...

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